L’AVEN du Grand Voyeux vous propose dans le cadre du cycle « Le voyage des graines » un article chaque semaine sur la dissémination des graines et les différentes méthodes – parfois très étonnantes – utilisées par les plantes pour pérenniser l’espèce.
Cette semaine, découvrons ensemble les plantes qui dispersent leurs graines toutes seules sans jamais s’envoyer de fleurs : c’est l’autochorie. Grâce à un mode de dissémination actif, les plantes autochores sont capables de dépasser les contraintes d’une vie sédentaire, le pied cloué au sol.
Adroit comme une Cymbalaire
Une plante autochore éparpille sa descendance par un mécanisme de propulsion au moment où la graine arrive à maturité, ou lorsque ses fruits s’ouvrent.
Ici, peu importe la distance parcourue, ce qui compte ce n’est pas le bout du chemin mais la rectitude du geste pour y arriver. C’est en suivant cette philosophie que la Cymbalaire des murs (Cymbalaria muralis) a pu se reproduire. Comme son nom l’indique, la plante vit dans les murs et n’est capable de répandre ses graines qu’à proximité d’elle-même. Elle courbe le pédoncule de sa fleur au dessus d’un interstice pour y déposer une graine et le tour est joué.
L’Hérodion, une plante qui « part en vrille »
De la même famille que les Géraniums, le cas de l’Hérodion est particulièrement intéressant. Il tire son nom scientifique Erodium du grec Erodios qui signifie “héron”, allusion à la ressemblance des fruits avec le bec des Hérons. Son nom vernaculaire est « Bec-de-Grue » car ses fruits rappellent aussi l’aspect du bec des échassiers.
Lorsqu’ils sont propulsés, les fruits restent fixés à une arête en forme de vrille. Selon le gradient d’humidité extérieure, l’arête se tend ou se détend. S’il fait humide, l’arête tourne dans le sens horaire pour enfoncer la graine dans le sol, à la manière d’un tire-bouchon dans une bouteille. C’est une des raisons pour lesquelles on retrouve l’Hérodion sur des sols légers ou sablonneux, plus faciles pour s’y insérer.
La déhiscence explosive
Les plantes à fruits déhiscents (en opposition aux fruits indéhiscents qui ne s’ouvrent pas seuls), sont les plantes dont les fruits s’ouvrent de manière autonome ou par simple contact avec le vent, une goutte d’eau ou un insecte. L’avantage, c’est que si elles se font dévorer par un insecte ou détruire par la grêle, la descendance sera tout de même assurée.
Des plantes comme la Balsamine géante (Impatiens glandulifera), ou les pavots peuvent produire plus de 10 000 graines, viables pendant plus de 2 ans dans le sol dans le cas de la Balsamine, et les projeter à plusieurs mètres en pinçant les graines dans une cosse pour mieux les catapulter, et ainsi éviter de se concurrencer et de finir par s’asphyxier, comme fait la violette, .
Dans ce domaine, nous avons un champion : le concombre d’âne dit le concombre cracheur (Ecballium elaterium). Au cours de sa maturation, le fruit va se gorger d’eau et monter en pression (= 6 bars, ce qui est conséquent car c’est plus qu’un pneu de voiture). Il semblerait que les graines peuvent être projetées à 12 mètres, à la vitesse de 10 mètres par seconde (source : Margot et Roland Spohn, 450 Fleurs, Paris, Delachaux et Niestlé, coll. « Les indispensables Delachaux », 2008, 320 p. ISBN 978-2-603-01533-9).
Mais plutôt que de commenter d’hypothétiques performances, regardons les plantes autochores en action dans la vidéo qui suit.
Kevin Zeitouni